
Le lac Albert, véritable poumon économique de l’Ituri, est au bord de l’asphyxie. À l’occasion de la Journée nationale du poisson célébrée le 24 juin, Moïse Uweci Welekano, président de la Fédération des Comités des Pêcheurs du Lac Albert (FECOPELA), a tiré la sonnette d’alarme. Cette intervention s’inscrit dans le cadre d’une semaine d’action lancée par la coalition « Notre Terre Sans Pétrole » (NTSP).
Dans sa déclaration publique, le leader des pêcheurs a dénoncé la dégradation accélérée de l’écosystème lacustre. Selon lui, cette détérioration est le fruit d’une gouvernance défaillante, de pratiques de pêche illégales, de l’insécurité chronique et de la menace croissante que représente l’exploitation pétrolière dans la région.
Il fustige notamment l’obsolescence du cadre réglementaire, précisant que l’arrêté provincial encadrant la pêche n’a plus été mis à jour depuis 2016. « Ce vide juridique engendre confusion, impunité et fragilise la régulation du secteur », déclare-t-il. L’ingérence d’acteurs militaires et civils dans la gestion du lac viendrait, selon lui, aggraver ce climat de méfiance généralisée.
La FECOPELA déplore également l’usage répandu de filets à mailles fines, de moustiquaires recyclées et de produits chimiques, qui perturbent gravement la reproduction des espèces aquatiques. Cette exploitation anarchique menace la durabilité de la pêche artisanale, pilier de la sécurité alimentaire locale.
A cela s’ajoutent des actes de criminalité endémiques : vols d’embarcations, pillages, arrestations arbitraires et utilisation illégale d’équipements par certaines forces de l’ordre. Ces exactions, affirme le président de la FECOPELA, instillent un climat de peur paralysant, entravant toute tentative d’organisation ou de collecte de données fiables sur le terrain.
Enfin, l’organisation condamne fermement les travaux pétroliers en cours, notamment sur la rive ougandaise. « Ces projets ignorent les droits des communautés locales, menacent l’écosystème aquatique, et profiteront à une infime minorité », alerte Moïse Uweci Welekano. Et de marteler les slogans portés par les pêcheurs : « Stop au pétrole, vive le poisson ! » et « Le lac Albert, c’est notre vie ; le pétrole, c’est notre mort ! »
Face à cette situation préoccupante, la FECOPELA émet une série de recommandations concrètes, notamment la révision du cadre légal, le renforcement de la surveillance avec des patrouilles identifiables, l’interdiction des engins destructeurs, la création de réserves aquacoles, la lutte contre la corruption et la promotion de l’aquaculture en cages flottantes comme alternative durable.
En conclusion, Moïse Uweci Welekano appelle à une mobilisation générale : « Pêcheurs, autorités, ONG, bailleurs, il est temps d’agir pour sauver notre lac, source de dignité et de vie.»
Heri Budjo Joël
