Le gouverneur militaire de l’Ituri, le Lieutenant-Général Johnny Luboya N’Kashama, a pris les devants vendredi 30 mai dernier pour apaiser la tension des veuves et orphelins de militaires, qui réclament des solutions urgentes et adaptées à leur situation précaire.
Depuis des années, ces femmes dénoncent les arriérés de paiement de la pension qu’elles devraient percevoir après le décès de leur époux au combat. Certaines d’entre elles n’ont jamais été identifiées et d’autres radiées de la liste. Face à ces revendications, le haut gradé des forces armées de la République Démocratique du Congo (RDC) en Ituri n’a pas mâché ses mots, dénonçant une situation qui selon lui, menace la stabilité des opérations militaires en Ituri et gravement affecter le moral des troupes engagées sur le front.
« Depuis des années, nous avons le problème d’identification des veuves. Récemment, nous avons eu l’équipe de l’Inspection Générale des forces armées pour identifier les veuves. Malheureusement, à chaque passage, nous avons des retombées comme celles-là. Nous sommes dans une zone opérationnelle, on ne peut pas venir nous distraire, nous affaiblir avec ce genre de problème. »
Le gouverneur militaire qui est de surcroît le commandant des opérations s’est alarmé des conséquences néfastes sur les militaires engagés dans des combats. « Un militaire qui est au front comme on est maintenant, qui est en train de combattre le CRP de Thomas Lubanga allié au M23, apprend que les veuves ne sont pas payées. Pourquoi ce militaire-là doit-il se sacrifier? Il dira que le jour où je vais mourir, ce sera la même chose pour mes enfants, et cela touche au moral militaire, au moral de ces hommes qui sont à la ligne de front. »
Des militaires fictifs au sein l’armée
Il a également pointé du doigt l’inefficacité des contrôles et le manque de sérieux dans la gestion de l’effectif des militaires. Il déclare avoir dénoncé, auprès du chef de l’État, le problème des militaires fictifs au sein des effectifs de l’armée: «J’avais clairement parlé de problème des fictifs. Là où il faut avoir 1200 personnel, on a 300, on a 400 personnes». Dommage, regrette-t-il, les auteurs de ce gonflement d’effectifs au sein des FARDC n’ont jamais été inquiétés.
Pas de contrôle sérieux
Pour le gouverneur militaire de l’Ituri, il n’y a jamais eu un contrôle sérieux pour remédier à ces problèmes qui minent l’armée congolaise.
« On n’a pas encore fini le problème du personnel militaire, voilà maintenant c’est encore les veuves. Malheureusement, cela se passe dans une zone opérationnelle. Ce qui est inacceptable pendant que nous sommes au 21ᵉ siècle. Je crois qu’il y a des choses que nous devons arrêter, on ne peut plus parler de ce genre de problèmes. Le contrôle doit être sérieux et si le contrôle est sérieux, on va voir le résultat. »
Problème alimentaire des soldats
Luboya N’Kashama a également évoqué la situation alimentaire des soldats, dénonçant un problème qui ne relève pas directement de ses responsabilités. « Les militaires aujourd’hui mangent tous les 15 jours. Allez au ministère demander combien d’argent est donné pour les vivres destinés aux militaires. Le fonds est quadruplé, le militaire doit manger trois fois par jour. Et quand les militaires ne mangent pas, surtout au front, on pense à qui ? À moi. Quand les militaires ne sont pas payés, le commun des mortels pense que c’est le gouverneur, alors que je ne suis pas dans cette chaîne. Moi, je suis là pour les opérations. C’est vrai que je représente l’armée ici, mais je suis là pour la mise en œuvre, c’est-à-dire le combat, la guerre, et c’est tout. »
Le gouverneur militaire insiste sur la nécessité de clarifier les responsabilités et d’apporter des solutions pérennes. « Nous n’avons pas droit à la déstabilisation avec tous ces problèmes que nous avons en ce moment. »
Ces déclarations du Lieutenant-Général Luboya N’Kashama soulignent une réalité préoccupante dans la gestion des forces armées en Ituri, où les veuves militaires, les soldats et la chaîne logistique souffrent de dysfonctionnements récurrents. Il accuse indirectement l’Inspection générale des FARDC. Un défi majeur qui, selon lui, pourrait compromettre la stabilité des opérations dans cette région stratégique.
Ces vérités du gouverneur militaire de l’Ituri dans une vidéo devenue virale, surchauffent les esprits sur les réseaux sociaux. Les uns félicitent le gouverneur militaire pour son franc-parler qui peut aider à bousculer les autorités pour de solutions longtemps recherchées. Les autres par contre estiment que ces vérités étalées au public risquent de démoraliser les troupes.
Pourtant les propos du Lieutenant-général Johnny Luboya viennent confirmer ceux du Président de la République, Félix Tshisekedi Tshilombo, qui avait dénoncé il y a quelques années la mafia au sein de l’armée.
Le porte-parole de l’armée, le général Sylvain Ekenge a, de son côté déclaré mardi que nombreux orphelins et veuves des militaires ne répondent plus aux critères.
Rédaction