Un véritable conflit d’appellation des titres académiques agite la ville de Bunia, opposant les diplômés de l’ancien système universitaire (cinq ans d’études) à ceux du nouveau système LMD (Licence, Master, Doctorat). Les premiers estiment que ceux de LMD, ayant complété seulement trois ans d’études pour la licence, ne devraient pas jouir du même titre, soulevant une vive discorde sur la qualité des diplômés.
Cette divergence de vues crée des tensions palpables dans le monde professionnel et académique, chacun campant sur ses positions quant à la légitimité et la reconnaissance de leurs parcours respectifs.
Les voix de l’ancien système : «Nos cinq ans prouvent notre expertise»
Pour les diplômés de l’ancien régime, la question est claire : la durée de la formation est un gage de profondeur et de compétence.
«Nous avons fait cinq ans à l’université, avec des stages et des recherches approfondies. Comment quelqu’un qui a fait trois ans peut-il se dire ‘licencié’ comme nous ? Ce n’est pas la même chose»,s’indigne un diplômé de 2018 en Faculté des Sciences de Développement de l’Université Shalom de Bunia.
Marie-Claire, détentrice d’une licence en Economie de 2015 à l’Université de Bunia, abonde dans le même sens : «Nos diplômes ont une valeur et une reconnaissance internationale qui s’est construite sur la rigueur de cinq années d’études. On ne peut pas comparer».
«Pour nous, la licence était le couronnement d’un long processus d’apprentissage. Ceux de LMD sont des bacheliers renforcés, mais pas des licenciés au sens où nous l’entendons», affirme, ingénieur agronome diplômé en 2018.
Une enseignante avec une licence en Pédagogie appliquée de l’Institut Supérieur pédagogique de Bunia (ancien système), exprime sa frustration : «Dans les concours de recrutement, on nous met sur le même pied. Pourtant, notre formation est plus complète».
«On a sacrifié cinq ans de notre vie pour obtenir ce diplôme. Ce n’est pas juste que le même titre soit donné pour trois ans» renchérit un autre ancien licencié, qui préfère garder l’anonymat.
De leur côté, les diplômés du système LMD défendent la validité de leur formation, arguant que le nouveau système est une norme internationale.
«Notre système est moderne et aligné sur les standards européens et africains. Trois ans, c’est suffisant pour la licence, et le contenu est dense et pertinent» explique Sarah Bulambo, diplômée en Sciences infirmières du système LMD en 2023.
«Nous ne sommes pas des sous-licenciés. Nos programmes sont conçus pour nous donner les compétences nécessaires en trois ans, avec une professionnalisation accrue», précise David, licencié en Sciences informatiques (LMD, 2024).
«La qualité d’un diplôme ne se mesure pas uniquement à sa durée, mais à la pertinence de son programme et à la compétence des diplômés. Nous sommes compétents», insiste une licenciée en Sciences de l’Information et de la Communication du système LMD.
«Ce débat est stérile. Le monde évolue, et l’enseignement supérieur aussi. La licence LMD est un diplôme reconnu et nous en sommes fiers», déclare un jeune diplômé en Sciences politiques (LMD, 2022).
«Si notre licence n’était pas valable, pourquoi les entreprises nous recruteraient-elles ? C’est une question de jalousie des anciens», conclut un autre licencié LMD rencontré à Bunia.
Ce bras de fer sur la sémantique et la reconnaissance met en lumière les défis d’adaptation aux réformes éducatives et la nécessité de clarifier les équivalences de titres pour éviter de futurs conflits.
Jonas Mukonkole